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Le droit d’ester en justice après une TUP renforcé par l’arrêt de mars 2023

Introduction

Cette procédure, encadrée par l’article 1844-5 du Code civil, entraîne la dissolution sans liquidation de la société absorbée, avec transmission de son patrimoine à la société absorbante.

Une question essentielle se pose alors : qu’advient-il des actions en justice engagées par ou contre la société dissoute ? La réponse est simple : la société absorbante ayant repris l’actif et passif de la société absorbante est en mesure de continuer ces actions au nom du « droit d’ester en justice »

Deux arrêts de la Cour de Cassation confirment que la TUP n’interrompt pas les instances en cours et que la société absorbante acquiert immédiatement le droit d’ester en justice dès la fin des 30 jours.


Rappel du Cadre juridique de la TUP

La TUP est régie principalement par deux dispositions légales :

  • Article 1844-5 du Code civil : Cet article stipule que la dissolution d’une société n’entraîne pas sa liquidation, mais la transmission universelle de son patrimoine à l’associé unique, personne morale, sans qu’il y ait lieu à liquidation. Cette disposition est fondamentale pour comprendre le mécanisme de la TUP.
  • Article L.236-3 du Code de commerce : Cet article concerne la fusion simplifiée, permettant à une société absorbante détenant 100 % du capital d’une autre société de fusionner avec celle-ci sans avoir à établir un rapport d’échange, simplifiant ainsi la procédure.


Analyse du premier arrêt : Effet de la dissolution sans liquidation sur les procédures d’appel en cours

Dans l’affaire jugée le 20 mai 2021 par la 2e Chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi n° 20-15.098), une société avait interjeté appel d’un jugement rendu par un tribunal de commerce la condamnant à des dommages-intérêts. Après cassation de l’arrêt d’appel initial, l’arrêt de la Cour de cassation a été signifié à la société le 26 septembre 2017. Entre-temps, cette société a été dissoute sans liquidation le 22 novembre 2017, entraînant une Transmission Universelle de Patrimoine au profit de sa société mère, qui a déposé une déclaration de saisine le 5 décembre 2017.

Historique procédural jusqu’à la décision de la Cour de cassation

La société Nobilas France a soulevé l’irrecevabilité de la déclaration de saisine pour tardiveté. La cour d’appel a déclaré la saisine irrecevable, décision confirmée par la Cour de cassation, qui a rejeté le pourvoi formé par la société absorbante.

Problématique juridique posée

La question centrale était de savoir si la dissolution sans liquidation d’une société interrompt l’instance en cours, notamment en ce qui concerne les délais pour saisir la juridiction de renvoi après cassation.

L’avis de la Cour de Cassation

La Cour de cassation a jugé que la dissolution d’une personne morale, même assortie d’une transmission universelle de son patrimoine, n’est pas assimilable au décès d’une personne physique et ne constitue donc pas une cause d’interruption de l’instance au sens de l’article 370 du Code de procédure civile. Ainsi, la société absorbante acquiert de plein droit, dès la date de l’assemblée générale ayant approuvé l’opération, la qualité pour poursuivre les instances engagées par la société absorbée.

Implications pratiques pour les avocats

Cette décision souligne l’importance pour les avocats de surveiller attentivement les délais procéduraux post-TUP. La société absorbante doit être proactive pour assurer la continuité des procédures en cours, sans supposer une interruption automatique des délais.

Analyse du second arrêt : Transmission de la qualité à agir lors d’une fusion simplifiée

Dans l’arrêt du 7 juillet 2021 (pourvoi n° 19-11.906), une société absorbante a assigné une personne physique, caution solidaire d’un prêt consenti par la société absorbée. Le débiteur contestait l’action, arguant que la fusion n’était pas opposable faute de publication légale de l’opération.

Historique procédural jusqu’à la décision de la Cour de cassation

La cour d’appel a déclaré l’action irrecevable en raison de l’absence de publication de la fusion. La Cour de cassation a cassé cette décision, estimant que la société absorbante avait qualité pour agir dès l’approbation de l’opération de fusion.

Problématique juridique posée

La question était de savoir si la société absorbante pouvait exercer les droits de la société absorbée en justice dès l’approbation de la fusion, même en l’absence de publication de l’opération.

L’avis de la Cour de Cassation

La Cour de cassation a affirmé que la transmission universelle du patrimoine intervient de plein droit dès l’approbation de l’opération par l’assemblée générale, conférant à la société absorbante la qualité pour agir en justice, indépendamment des formalités de publicité.

Conséquences pour la pratique juridique

Cette décision garantit la continuité des actions en justice malgré les formalités de publicité, assurant ainsi la sécurité juridique des opérations de fusion.

Synthèse des enseignements tirés de ces arrêts

Ces deux arrêts confirment que la TUP n’interrompt pas les instances en cours et que la société absorbante acquiert immédiatement le droit d’ester en justice dès l’approbation de l’opération. Il est donc crucial pour les praticiens du droit de maîtriser ces subtilités pour sécuriser les procédures en cours lors de restructurations.

Conclusion

En conclusion, la jurisprudence récente clarifie que la Transmission Universelle de Patrimoine n’affecte pas la continuité des actions en justice. Les sociétés absorbantes doivent être vigilantes quant aux délais procéduraux et assurer une transition efficace pour préserver les droits en cours.